De ses premières passes à Maugio-Carnon jusqu’au stade Mayol, Jules Danglot doit son ascension à son abnégation à l’entrainement et à l’amour qu’il porte à son sport. Issu de la formation du Montpellier Hérault Rugby (MHR), il s’épanouit désormais sur la rade toulonnaise et a récemment signé son premier contrat professionnel avec le RCT. Entre un Super Challenge remporté en u14, ses premières apparitions en Top 14 à dix-neuf ans et sa nouvelle vie toulonnaise, le parcours du natif de Cahors est riche d’enseignements. Confessions.
Comment le rugby est arrivé chez toi ?
Personne ne faisait de rugby dans ma famille. J’ai commencé par le foot avec mon grand frère et pendant les premiers entrainements ça ne se passait pas forcément très bien. En fait quand on me prenait la balle, je chargeais les mecs en face (rires). Mon père voulait que je fasse du sport, sans vraiment en avoir un en tête. Il m’a finalement emmené au rugby pour que je me dépense et que je puisse avoir un peu plus de liberté sur le terrain. J’ai commencé à Mauguio (34) à 5-6 ans et c’est finalement resté. Sur les premières fois, je ne sais pas si je me rendais compte que j’appréciais le contact, mais je prenais beaucoup de plaisir sur le terrain. Je me sentais bien à l’endroit où j’étais. Les jours d’entrainements, ce n’était jamais « Ah mince, je dois aller au rugby », c’était plutôt « Papa est-ce que je peux y être 15 minutes avant ? Est-ce que vous pouvez venir me rechercher 15-20 minutes après ? ».
Tu rejoins le MHR à 10 ans, comment expliquerais-tu ce choix ?
J’arrivais à un âge, où je me rendais compte que je m’amusais beaucoup, mais pourquoi ne pas aller plus loin. J’ai eu une discussion avec les gars du club et mes parents et on a décidé tous ensemble d’essayer l’aventure à Montpellier. Ils faisaient des détections. J’ai essayé d’en faire une à la rentrée du collège et j’ai été pris. Ce n’était pas un moment simple à passer, il fallait annoncer à tout le monde que je partais et quand tu laisses pas mal de copains derrière, ce n’est pas facile. On est parti de Mauguio en même temps avec Dorian Brial (aujourd’hui à Monaco) et on a fait toutes nos classes à Montpellier, jusqu’en Crabos, tous les deux. Après, dans le rugby ce n’est pas trop compliqué de s’intégrer, surtout à cet âge-là. Et quand tu as la connerie, c’est plus facile.
" Le fait de voir que tu réussis, c’est une fierté pour le club et la formation "
À cet âge avais-tu déjà l’ambition ou le rêve d’être pro ?
Je l’ai toujours voulu comme la plupart des mecs, mais je n’ai jamais aimé l’exposer et le dire. J’ai toujours voulu l’être, parce que c’est une concrétisation et que c’est incroyable dans la vie d’un rugbyman. En fait, j’ai suivi le cours de ce qu’il m’arrivait. Avec les bons moments et ceux qui étaient un peu moins joyeux. Toujours en me disant que cette étape était faite et en allant chercher celle d’après. Finalement, le fait d’avoir quitté Mauguio et de voir que tu réussis, c’est aussi une fierté pour le club et pour la formation. C’est une forme de remerciement et tu y penses forcément.
4. Peux-tu me partager un souvenir inoubliable parmi ces belles années à Montpellier ?
Mon meilleur souvenir restera la finale du Super Challenge lorsque l’on est en minimes. On y va sans avoir gagné un seul Super Challenge. Finalement, on se retrouve à gagner contre Toulouse, qui je crois n’avait pas perdu depuis un ou deux ans et avec une génération qui, pour un peu moins de la moitié joue chez les professionnels maintenant. Le match était tellement serré. On ne pensait pas du tout remporter ce tournoi. D’ailleurs Montpellier n’avait jamais remporté le Super Challenge. C’était une satisfaction en plus. L’émotion, c’était vraiment quelque chose de très intense et en plus de ça, c’était mon premier titre.
Toujours en quête d'espaces, Jules est attentif aux moindres mouvements effectués sur le terrain - Photo : Frank Muller
5. Raconte-nous tes premiers pas en pro avec le MHR en 2020 et ton passage chez les Espoirs.
Je monte avec les Espoirs l’année juste avant de faire mon premier match en pro. Je n’étais pas en centre de formation, je m’entrainais seulement avec les Espoirs. On faisait les skills de passe avec Julien Tomas. Un matin en me réveillant, je vois qu’il m’envoie un message et me demande de venir m’entrainer avec l’équipe première mardi matin. Ça a commencé comme ça. J’ai finalement passé des semaines entières avec eux et le weekend, je jouais avec les Espoirs. Je faisais la passerelle, mais je savais que je n’aurais pas pu jouer avec la première, parce que je n’avais pas de contrat au centre de formation.
6. Comment es-tu parvenu à te faire une place dans ton premier vestiaire pro ?
On m’a souvent reproché que l’on ne m’entendait pas assez. Je ne suis pas quelqu’un qui gueule énormément sur les mecs. C’est quelque chose que j’ai dû travailler. Les mecs sont assez intelligents pour comprendre que quand tu es sur le terrain, ce n’est pas parce que tu leur gueules dessus que tu ne les respectes pas. Même si le gamin a 17-18 ans, le terrain, c’est le terrain. Ce qu’il se passe dessus, ça n’a rien à voir avec ce qu’il se passe en dehors. Au fur et à mesure, je commençais à me sentir plus à l’aise et ça s’est bien passé.
7. Comment as-tu ressenti la différence de niveau entre les rencontres Espoirs et le Top 14 ?
J’ai toujours joué sans vraiment attendre les autres. Je suis plutôt quelqu’un qui colle au ballon, qui va plutôt vite. Forcément, il y a des moments où on n’était pas forcément en place. On a pu me reprocher de ne pas gérer le tempo et les sorties de ballons. C’était assez compliqué, parce qu’il fallait que j’arrive à m’adapter. Par moment, je devais me forcer à ralentir un peu les ballons. Non pas parce que le niveau était plus faible, juste, car la vitesse de jeu était un peu différente. Sinon, tout ce qui est physiquement, je n’ai pas trouvé qu’en Espoirs c’était bien différent. Des mecs costauds, il y en a, que ce soit en Espoirs ou chez les pros.
8. La saison suivante, tu décides de rejoindre le RCT. Comment cela s’est déroulé ?
Dans cette dernière saison où je joue avec Montpellier, on m’a dit qu’ils ne voulaient pas me garder parce que je n’étais pas dans le plan de succession au poste. J’ai commencé un peu à regarder ailleurs. J’étais entré en contact avec Oyonnax. Et puis, il y a un jour où je suis 24ème homme avec Montpellier, à Toulouse. Cobus (Reinach) se fait mal à l’échauffement et Benoit (Paillaugue) se blesse à la 10e minute. Je me retrouve à faire 70 minutes. On remporte ce match à Toulouse et il s’avère que je fais plutôt un bon match. Après ça, Philippe Saint-André vient me voir, en me disant : « On va revoir ce qu’on va faire pour ton contrat ». À ce moment-là, j’ai des demandes de quelques clubs. Il fallait que je pèse ce qu’il y avait de mieux pour moi.
Rencontre déterminante pour la suite de sa carrière, cette victoire contre le Stade Toulousain reste gravée dans la tête de Jules
C’était à moi de faire ce choix et ce n’était pas le plus simple à faire. Je me suis un peu appuyé sur Arthur (Vincent) qui me disait « Je ne me vois pas partir, mais je sais très bien que si jamais un jour, je dois le faire, il faudra que je me sente bien là-bas. Dans le rugby, il y a des bons moments, mais il y en a aussi des plus mauvais. Si jamais tu es dans un mauvais moment, il faut que tu sois dans un endroit qui te convienne. L’idéal serait qu’il soit assez proche de ta famille ». Je fonctionne comme ça et j’ai trouvé que c’était plutôt vrai. J’ai pensé à ça, au plan que Patrice Collazo m’avait expliqué sur Toulon et j’ai examiné les paroles d’Arthur sur plusieurs clubs. Toulon est ressorti sur ça. Quand tout le monde te dit, « C’est ton choix et moi dans tous les cas, je serai d’accord avec toi et ta décision ». C’est beaucoup plus facile d’en prendre une.
9. Au cours de tes deux premières saisons avec Toulon, as-tu des matchs références ?
Ce n’est pas forcément le fait de prendre le ballon, de traverser le terrain et faire la valise à chaque fois. C’est d’avoir été important dans le match. Que ce soit en défense, en attaque, dans la gestion et le fait de mettre de la vitesse. Il faut que ces choses-là soient réunies pour dire que c’est un match référence. Je pense à un match à Bath où je commence et à la fin, je suis très content de moi. Je pense que c’est le match dans lequel j’ai été le plus complet. Entre la défense, l’attaque et le jeu au pied.
" Il faut accepter cette concurrence et s’en servir comme un boost et une motivation "
10. Comment appréhendes-tu l’énorme concurrence que tu as à ton poste ?
Comme dans tout à vrai dire, si tu souhaites avoir quelque chose, il faut que tu ailles te le peler. Baptiste (Serin), on le connait, ancien et d’ailleurs toujours international. Ben (White), c’est pareil, il fait tous les matchs avec l’Écosse. C’est assez impressionnant d’avoir des mecs comme ça avec toi. Je pense que c’est seulement en ayant une bonne et grosse concurrence que tu élèves toi aussi ton niveau. Si on est tous les trois bons, il vaut mieux que le coach ne sache pas quoi faire, plutôt qu’on lui facilite le boulot, avec seulement deux joueurs sur les trois qui soit vraiment indiscutables. Je travaille, j’essaie d’être au niveau, il n’y a pas de raison d’avoir peur. Il faut accepter cette concurrence et s’en servir comme un boost et une motivation.
Jules Coulon et Matthias Halagahu, des partenaires qui sont rapidement devenus des amis pour Jules - Photo : Florian Escoffier
11. Que dirais-tu au Jules d’il y a 4 ans, au moment où il allait faire son premier match professionnel ?
Je dirais au Jules qui court partout et qui est hyperactif qu’il ne doit pas oublier ça, parce que c’est quand même ce qui fait sa force. Ce côté hyperactif, à être un peu partout sur le terrain et coller au ballon, je lui dirais de surtout ne pas le perdre. Je lui dirais aussi ce qu’on lui a demandé depuis le début, sur le fait de gérer le tempo des matchs. C’est quelque chose qui est également super important. Arriver à faire la part des choses, mais surtout "qu’il reste lui-même sur le terrain et tout se passera bien" comme dirait Cobus.
12. Comment te sens-tu cette saison, après plusieurs entrées déterminantes ?
Je me sens très bien. La préparation s’est super bien passée et les matchs amicaux aussi. Depuis que je suis arrivé, on n’en avait pas gagné un et cette année, on en gagne deux. Après, il faudra voir ce que les matchs vont donner. Ce que mes performances vont donner, mais je me sens bien et prêt à faire de bonnes performances cette année. J’attends une chose, c’est de pouvoir faire ces bonnes performances et de pouvoir jouer avec l’équipe. Si je devais me fixer un objectif, ça ne serait pas sur le nombre de matchs, mais plutôt sur un nombre de minutes. En tant que neuf, tu peux faire beaucoup de matchs, mais pas beaucoup de minutes. J’aimerais au moins faire 600 minutes. Parce qu’en dessous, cela veut dire que soit tu as été remplaçant, soit que tu n’as pas joué des masses.
13. Après une dizaine d’années dans la sphère du rugby professionnel, est-ce que ce quotidien n’est pas lassant ou difficile ?
À chaque fois que je suis sur le terrain, je me sens bien. Quand tu te lèves tous les matins pour aller faire tout ce que tu aimes, c’est beaucoup plus facile. Depuis petit, je ne réfléchissais pas vraiment à ce qui me faisait plaisir, ce pourquoi j’étais bien sur le terrain, pourquoi j’y allais avant, et pourquoi je repartais plus tard. C’est que tout simplement, je me sentais bien et c’est toujours le cas aujourd’hui. Après, comme dans tous les métiers, il y a des moments un peu plus difficiles. Mentalement, physiquement, tu ne peux pas toujours être au top. Mais encore une fois, quand mentalement ça ne va pas, c’est plus facile de te remettre à l’endroit quand tu aimes beaucoup ce que tu fais.
Duel de générations face à la Section Paloise, neuf années séparent Dan Robson et Jules Danglot - Photo : Frank Muller
14. Au rugby, on entend parfois que les « plus petits » sont parfois les plus dangereux parce qu’ils ont d’autres qualités plus développées que d'autres. Que penses-tu de cette idée ?
Je suis totalement d’accord, ce n’est pas moi qui vais dire le contraire. Quand tu n’as pas le physique, qui a fait que tu as pu être propulsé à un certain niveau ou dans une certaine équipe, c’est vrai qu’il faut que le reste suive. Il faut que tu travailles un peu plus que les autres et il faut que tu trouves d’autres qualités quelque part. Forcément ceux qui sont un peu moins costauds ont de très grosses qualités qui font qu’ils s’en sortent plutôt très bien.
15. Est-ce qu’il y a un coach ou un éducateur qui t’a marqué ?
Si je devais en retenir trois, je dirais Jérôme Brial, c’est le père de mon pote de Mauguio. Il m’a entrainé là-bas, il m’a entrainé à Montpellier et il ne nous a jamais lâchés. Ensuite, Xavier (Garbajosa), parce que c’est avec lui que j’ai fait mon premier match en professionnel. Enfin, un de mes premiers entraineurs à Mauguio, Marc Gibert.
16. Tu as toujours l’objectif de porter le maillot bleu ?
Je ne l’ai pas forcément dans un coin de ma tête, mais si tu joues bien, enfin plutôt très bien, il n’y a pas de raison de ne pas croquer au niveau supérieur. Je dirai un peu comme tout, je ne suis pas là à me dire, je veux y être, mais forcément que oui pourquoi pas. Comme je le répète, on va faire étape par étape. Si jamais j’arrive à cette étape-là, ce sera très bien. Encore plus d’honneur et de fierté.
Propos recueillis par Augustin Anuset
Un grand merci à Jules pour sa gentillesse et sa disponibilité ! L'équipe de RugbyXVNews te souhaite tout le meilleur dans tes aventures avec le RCT !
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