Bien loin de ses terres d’origine, Martin Méliande s’épanouit désormais chez les Franciliens du Racing 92. Après une première saison d’adaptation, le jeune demi d’ouverture voit son temps de jeu se multiplier. Sous les ordres de Stuart Lancaster, les feuilles de match s’enchainent, et cette saison semble marquer le premier tournant de la jeune carrière du numéro 10. À travers cet échange, il revient sur sa formation, ses différentes expériences en club et analyse les récentes performances des « Ciel et Blanc ». Confessions...
Comment le rugby est arrivé chez toi ?
J’ai commencé le rugby très jeune, à cinq ans, je ne saurais même pas dire pourquoi parce qu’il n’y avait personne qui faisait du rugby dans ma famille. J’y suis allé sans copains, sans rien. Ensuite, mes copains de l’école primaire m’ont rejoint et on était 6-7 à être dans la même équipe. On a fait toute l’école de rugby ensemble dans mon club à Orthez.
Après les premières années à Orthez, tu poursuis ta formation du côté de la Section Paloise. Comment s’est déroulée ta première saison loin de ton club formateur ?
Je suis parti à Pau en première année chez les cadets. Il y avait aussi mon frère jumeau qui est parti la même année au Pau FC (football). Étant donné que l’on était à deux, ça faisait moins peur de partir. Malheureusement, ça s’est mal passé alors, je suis rapidement revenu à Orthez.
En 2020, après plusieurs nouvelles saisons à Orthez, tu t’envoles à Biarritz afin de jouer avec les Espoirs. Quels sont les souvenirs que tu gardes de cette saison ?
C’était une très bonne saison, on avait un super groupe de copains. C’était un super groupe, très soudé et on a vécu de super moments sûr et en dehors du terrain. Une superbe expérience.
Martin Méliande à l'entrainement sous le regard attentif du demi de mêlée Springboks James Hall
Comment l’idée d’une potentielle carrière professionnelle t’est venue à l’esprit ?
Cela s’est fait petit à petit. À Orthez, je n’y pensais pas trop parce que j’étais avec mes potes. Je m’éclatais vraiment. J’ai toujours eu l’ambition de vouloir réussir dans le rugby, mais sans réellement me rendre compte que c’était possible. À Biarritz, j’ai compris que je pouvais potentiellement y arriver, c’est pour ça que j’ai décidé de partir, parce que j’ai vu que ça ne marcherait pas là-bas.
Quelles sont tes sources d’inspirations dans le rugby ?
Comme tous les numéros 10 je pense, Jonny Wilkinson, notamment lorsqu’il jouait à Toulon. Dernièrement, il y a aussi Romain Ntamack. Sur les dernières années, j’aime beaucoup son jeu et j’essaie de m’en inspirer.
Comment se sont passées tes premières feuilles de match en professionnel (à Bourg en Bresse) ?
Ça s’est passé très vite et je n’ai pas vraiment eu le temps de trop réfléchir. En début de saison, je n’étais pas du tout avec les pros, je jouais seulement en Espoirs. En janvier, Fabrice Estebanez est arrivé et le staff a changé. Il est venu me voir une fois avec les Espoirs et il m’a fait directement monter avec les pros. Un mois et demi, deux mois après, j’étais titulaire en PRO D2.
Je me sentais bien parce qu’il m’a beaucoup mis en confiance et il m’a beaucoup apporté. Il m’a mis dans de bonnes conditions pour que je me sente bien.
Ensuite ça s’est fait naturellement. Lors du premier match, j’avais un peu la pression et ça s’est bien passé. Ça a suivi et je ne me suis pas posé de question, ça a été assez rapide.
Ballon en main pour sa première titularisation en Top 14, le 6 janvier face au Castres Olympique
Après tes premiers pas à Bourg en Bresse, tu t’envoles cette fois dans une écurie de l’Élite du rugby. Quels ont été les facteurs qui t’ont tourné vers le Racing 92 ?
J’ai beaucoup hésité au début. C’est un gros club et ça peut faire un peu peur. D’un autre côté, je me disais qu’il fallait tenter, que je n’avais pas grand-chose à perdre, que je le regretterais si je n’essayais pas, je m’en voudrais toute ma vie en disant "Et si j’avais été là-bas, est-ce que ça aurait pu mieux marcher ?"
Tu signes avec une certaine assurance de jouer avec l’équipe première ou ta première volonté se trouve dans l’équipe Espoirs et ton développement ?
Mon objectif était clairement celui de jouer un jour avec les pros du Racing. Mais, dans un premier temps, je venais d’un petit club de PRO D2, avec mon parcours un peu particulier, sans les toutes les filières jeunes à haut niveau, les sélections, etc...
Dans un premier temps, je voulais rejoindre un gros club comme le Racing, mais aussi passer par toutes les étapes pour arriver à ce que je voulais. Je savais que ça n’allait pas arriver en 2-3 mois.
"J’ai passé vraiment beaucoup de saisons avec mes copains d’enfance avec qui j’ai pris énormément de plaisir..."
Est-ce que ton parcours plutôt singulier t’a freiné dans ton avancée ?
Ça ne m’a pas vraiment freiné. Je pense même que ça m’a apporté beaucoup d’autres choses. Notamment sur le plan mental, j’ai passé vraiment beaucoup de saisons avec mes copains d’enfance avec qui j’ai pris énormément de plaisir. Au final, j’ai 22 ans, mais ça ne fait réellement que 3-4 ans que je suis dans le haut niveau. Mentalement, je suis encore très frais, à l’inverse de joueurs qui partent de chez eux à 15-16 ans et qui sont dans le monde pro depuis les pôles espoirs et les sélections. C’est un parcours différent qui peut être usant je pense.
Comment s’est déroulée l’acclimatation à ce nouveau quotidien de joueur de Top14 ?
Au début, j’étais un peu timide. Quand tu arrives là-bas, tu es entouré de beaucoup de grands noms. Il m’a fallu un peu de temps pour m’adapter et ensuite comprendre que moi aussi, j’étais capable de jouer et de tirer mon épingle du jeu aux côtés de ces stars internationales. J’ai pris confiance petit à petit jusqu’à maintenant ou cela se passe plutôt bien.
Des joueurs en particulier t’ont impressionné et/ou t’impressionnent toujours cette saison ?
Quand je suis arrivé forcément en tant que demi d’ouverture, Finn Russell, c’est un de ce qui se fait de mieux au niveau mondial donc c’était une vraie chance. Après, cette année, forcément Siya Kolisi, par son leadership naturel. C’est vrai qu’il vient d’arriver, pourtant il est très écouté et sa voix a beaucoup d’importance. Il a une aura naturelle.
Aucun doute au moment de trouver la touche lorsque vous sentez le soutien d'un double champion du monde
Comment expliquer la réussite de ce Racing 2023-2024 ?
Tout d’abord, il y a eu un changement de staff et donc changement de projet de jeu avec de nouveaux systèmes. On a surtout fait un gros focus sur la défense. L’année dernière, on était performant en attaque, on arrivait à marquer beaucoup d’essais, mais on prenait aussi énormément de points. Cette année, c’est sûr que l’on est plus solide défensivement. On essaie de mettre beaucoup d’intensité dans tout ce qu’on fait. Stuart est très axé sur tout ce qui est autour de la précision, il a apporté beaucoup de rigueur dans tous les domaines.
Comment se passe ta relation avec le nouveau staff et Stuart Lancaster ?
Tout va vraiment bien, même si on a un peu la barrière de la langue. On arrive bien sûr à communiquer avec le traducteur qui facilite les échanges entre tout le monde. Quand j’en ai besoin, je n’hésite vraiment pas à aller le voir. Stuart est assez sensible au développement des jeunes. Il fait en sorte que je me sente en confiance.
Par exemple, ma première titularisation contre Castres, c’était une super opportunité pour moi et il l’a fait d’une bonne manière. Il m’a mis dans une bonne équipe. J’étais bien entouré et bien préparé. Sur cet aspect, je suis reconnaissant envers lui, parce qu’on voit beaucoup de coachs qui lancent des jeunes à l’extérieur et c’est vraiment différent.
Comment vis-tu la cohabitation/concurrence avec Antoine Gibert et Tristan Tedder ?
Franchement, on s’entend super bien à trois. Chacun est là pour tirer son profit de la situation, mais tous les trois, nous sommes complètement tournés vers le collectif. Que ce soit l’un ou l’autre qui joue, il n’y a pas de mauvaise concurrence du tout. Même quand moi j’ai commencé, Antoine était sur le banc et toute la semaine, il a tout fait pour me mettre à l’aise, pour que je sois en confiance.
Les supporters ne se trompent pas au moment d'ovationner leur demi d'ouverture à l'issue de la rencontre
Individuellement, quels sont tes objectifs pour la suite de la saison ?
L’objectif premier est de jouer le plus possible et d’avoir un peu plus d’impact. Il faut que je grandisse en terme de leadership parce que c’est super important à mon poste. Je sais aussi que ça viendra naturellement avec les feuilles de matchs.
Comment perçois-tu les rumeurs autour de la potentielle arrivée d’Owen Farrell la saison prochaine ? *
Premièrement, je suis très concentré sur cette saison. Après, on verra s’il doit arriver. Cela dépend de comment on le voit, il y a du bon et du mauvais partout. C’est vrai qu’à mon âge, d’avoir un joueur comme ça à mes côtés et d’apprendre de lui ça peut être intéressant.
Ce recrutement pourrait changer tes objectifs au Racing 92 ?
Je me sens très bien ici, c’est vraiment un club qui me plait. Évidemment, il faut voir comment se déroulent les prochaines saisons collectivement et au niveau du temps de jeu. Mais dans l’idéal, je me sens très bien ici et je ne vois pas de raison de partir.
Propos recueillis par Augustin Anuset.
Un grand merci à Martin pour sa gentillesse et sa disponibilité ! L'équipe de RugbyXVNews te souhaite tout le meilleur dans tes aventures avec le Racing 92 !
* L'interview fut réalisée quelques jours avant l'annonce officielle de la signature d'Owen Farrell.
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